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juillet 2018

Une offre d’économie circulaire en pleine progression

Publié par Hélène VALADE et Jean-Pierre MAUGENDRE | N° 498 - INTELLIGENCE ARTIFICIELLE / ÉCONOMIE CIRCULAIRE

 


En 2017, la population mondiale a consommé les ressources naturelles 1,7 fois plus vite que les écosystèmes n’ont pu les régénérer. Et en 2050, la planète comptera près de dix milliards d’habitants. Il y a tout de même une bonne nouvelle. La prise de conscience que les ressources ne sont pas inépuisables progresse : partout dans le monde, même si c’est à des degrés divers, acteurs privés et publics se mettent en mouvement pour inventer des modes de production et de consommation plus compatibles avec les enjeux du climat, des ressources et de la démographie galopante. L’économie circulaire est en effet la réponse la plus efficace à ces nouveaux défis : elle permet de s’extraire d’une logique linéaire dépassée, symbolisée par le triptyque « produire-consommer-jeter » et offre la perspective d’une croissance économique durable, parce que découplée de la consommation des ressources. Elle prend de nombreuses formes, de l’écoconception et de l’allongement de la durée d’usage, au réemploi, au recyclage et à la valorisation, jusqu’à l’économie de la fonctionnalité. En France, elle avance à grands pas, portée notamment par des entreprises qui révolutionnent leurs modes d’approvisionnement, de production et de commercialisation à l’aune de ses principes.

De nouvelles filières industrielles

Depuis plusieurs années, Suez transforme ses métiers cœur (production, traitement et distribution d’eau potable ; collecte et traitement des eaux usées ; collecte et recyclage des déchets) et devient un fournisseur de solutions d’économie circulaire, technologiques et digitales, qui maximisent l’usage des ressources. Exemples. Le plastique : son recyclage et son réemploi deviennent cruciaux au regard de l’impact néfaste de son rejet sur l’environnement et particulièrement sur l’océan. Maisilssont complexes et nécessitent de revisiter toute la chaîne de valeur, en commençant par l’amélioration de sa collecte. Il s’agit d’abord de capter de manière plus sélective ce déchet en mobilisant le consommateur. Avec ses partenaires acteurs de la grande distribution, le soutien de l’éco-organisme Citeo et de l’industriel Nestlé Waters, Suez innove en installant par exemple des kiosques RECO® qui incitent au tri : pour chaque bouteille déposée, les consommateurs sont récompensés par un bon d’achat au sein de l’enseigne partenaire ou d’un collectif de commerçants locaux. Il s’agit ensuite de traiter les matériaux plastiques dans des usines spécialisées (tels que QCP - Quality Circular Polymers - ou France Plastique Recyclages) avec des procédés industriels sophistiqués qui permettent de les transformer en granules de polymères d’une qualité équivalente à celle de la matière vierge. Il faut enfin mettre sur le marché ces polymères pour qu’ils soient réintégrés dans la fabrication de nouveaux produits. C’est donc une boucle d’économie circulaire complète qui est mise en œuvre : pour favoriser l’utilisation de polymères recyclés par les producteurs industriels, Suez a créé une joint-venture avec LyondellBasell qui commercialise le polypropylène et le PEHD produits sur le site de QCP à partir du plastique recyclé.

Un autre exemple parlant de filière industrielle d’économie circulaire est celle de la production d’énergie renouvelable, et notamment celle de gaz vert pour laquelle le gouvernement affiche une forte ambition (30% en 2030). Les gisements sont multiples (refus de tri, déchets verts, boues d’épuration, etc.), leur volume s’accroît (obligation du tri à la source des biodéchets par exemple), tandis que les formes de valorisation sont diverses (gaz, électricité, vapeur, bio-carburants, etc.). Suez, qui produit déjà aujourd’hui 6,7 TWH d’énergie renouvelable, se positionne sur le marché de la méthanisation agricole mais également industrielle. Grâce à cette nouvelle filière, la chaîne de valeur des déchets et des eaux usées est prolongée tandis que les compétences des métiers du Groupe sont augmentées(exploitant de centre de méthanisation, énergéticien par exemple). Dans une économie circulaire, les résidus de résidus sont eux aussi réutilisables. C’est le cas du mâchefer, un résidu de l’incinération, que Suez traite pour en extraire dans son usine de Valomet des métaux dont du cuivre, quiseront à leur tour affinés dans des fonderies pour être réutilisés dans la fabrication de nouveaux produits (cf schéma : Comment optimiser les boucles d’économie circulaire ?).

Une chaîne de valeur revisitée

Les exemples foisonnent. Citons encore celui de la vie démultipliée des véhicules hors d’usage. Indra société détenue par Renault et Suez, démantèle les véhicules avec deux objectifs: remettre sur le marché des pièces détachées ; récupérer les matières premières (métaux, plastiques, caoutchoucs, élastomères, etc.), les transformer pour les réutiliser dans la fabrication d’autres produits manufacturiers ou dans celle des véhicules : 30% d’un véhicule neuf Renault est constitué de matières premières issues du recyclage.

 

Nombreux sont les flux de déchets qui peuvent faire l’objet de traitements spécifiques et fournir des matières premières issues du recyclage aux producteurs industriels. C’est donc l’ensemble de la chaîne de valeur des déchets, de leur collecte à leur réintégration dans les processus de fabrication qui est revisitée et qui fait la part belle au collaboratif et aux partenariats. L’économie circulaire change la donne également sur ce plan : les nouveaux modèles économiques qu’elle fait émerger installent l’entreprise dans un écosystème et s’inscrivent en rupture avec le fonctionnement classique qui met face à face une entreprise et son client : désormais, une entreprise apporteuse de solutions, peut l’être en partenariat avec d’autres entreprises et s’adresse à une communauté d’acteurs qui eux-mêmes interagissent. Les nouveaux modèles économiques se caractérisent par leur horizontalité, et font une large place à la co-construction et la co-innovation : Suez ainsi s’associe à La Poste pour collecter et valoriser les déchets de bureau, soutient Nespresso dans la création d’une nouvelle filière de valorisation de l’aluminium des capsules de café, innove avec WAGA ENERGY pour produire plus aisément un biométhane dont les caractéristiques sont identiques à celles du gaz naturel, ou encore suscite des rencontres avec les acteurs desterritoires pour co-construire des offres d’économie circulaire locales et mobilise le consommateur.

Le digital est essentiel à l’émergence de ces nouveaux modèles économiques et sont de vrais amplificateurs de l’économie circulaire : le développement rapide notamment des e-market places rend plus facile et plus rapide la mise en relation entre producteurs et « valorisateurs » de déchets. Pour soutenir son modèle de production du biométhane, Suez a par exemple créé Organix®, qui met en relation directe les producteurs de biodéchets et ceux qui les transforment en énergie;

Une demande de solutions d’économie circulaire à encourager

On le voit, l’offre d’économie circulaire existe et se renforce, grâce à l’innovation contractuelle et technologique, grâce aussi à la transformation des métiers et à l’évolution des compétences. Mais elle se heurte encore, pour certains flux, au problème de la compétitivité par rapport aux filières classiques, et donc aux prix des matières premières. Le défi aujourd’hui n’est plus la production de matières premières issues du recyclage, mais leurs débouchés : c’est un vrai choc de la demande de ces nouvelles matières qu’il faut créer. En actionnant d’abord le levier de la commande publique, en incitant ensuite à l’intégration de matières secondaires issues du recyclage dans la production industrielle, en encourageant enfin le consommateur à choisir les produits de l’économie circulaire. À cet égard, la feuille de route dévoilée par le Premier Ministre le 23 avril 2018 fixe l’ambition d’une économie 100% circulaire et ouvre de nouvelles perspectives dont on attend cependant qu’elles se précisent et se concrétisent, à la fois par des mesures législatives à travers la loi de transposition de la nouvelle directive sur les déchets et dans le cadre de la prochaine loi de finances.

Il reste donc du chemin à parcourir, mais l’enjeu est de taille. Outre de desserrer la dépendance aux matières premières, de permettre l’auto-approvisionnement et donc de répondre au défi de la raréfaction des ressources, l’économie circulaire a deux autres atouts majeurs : elle est créatrice d’emplois ; le gouvernement fixe l’objectif de « créer jusqu’à 300 000 emplois supplémentaires, y compris dans des métiers nouveaux » ; elle est également réductrice des émissions de gaz à effet de serre. Une récente étude de Material Economics (the Circular Economy, a powerful force for climate mitigation) montre qu’en recyclant et en réutilisant quatre des matériaux les plus générateurs d’émissions, l’acier, le plastique, l’aluminium et le ciment, l’Union européenne pourrait réduire l’empreinte carbone de son industrie de 56%, soit l’équivalent de 300 millions de tonnes de CO2 par an d’ici la moitié du siècle.

L’approvisionnement en énergie renouvelable est une réponse au réchauffement climatique ; le remplacement de l’économie linéaire par l’économie circulaire en est une autre : ce n’est rien d’autre qu’un nouveau projet de société. ■ 

Auteurs

Hélène VALADE
Jean-Pierre MAUGENDRE

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