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septembre 2008

Stratégie pour un futur souhaitable Entretien avec l’auteur

Philippe Lukacs (HEC 1970) vient de publier chez Dunod “Stratégie pour un futur souhaitable”, avec une préface de Pascal Lamy, un avant- propos de

Bernard Ramanantsoa, une postface d’Axel Kahn.

Diplômé d’HEC, formé à l’ethnologie, à la sociologie de la science, il enseigne le management de l’innovation à l’École Centrale de Paris et anime CATALYSER qui conseille des entreprises fortement innovantes. Son expérience d’adjoint du DRH du groupe Thomson l’a conduit à créer le Laboratoire du Futur, où il a travaillé avec l’adjoint de Muhammad Yunus et les responsables de Max Havelaar.


Pourquoi avoir écrit ce livre ?

Du fait du rythme de l’évolution des tech­nologies, nous avons basculé, depuis les années 90, dans un environnement écono­mique tout à fait nouveau. Graphique. C’est maintenant l’innovation qui est la problématique centrale des entreprises, dans une dynamique où l’innovation potentielle précède le marché, voire d’une certaine façon le crée. François Laurent, vice-Président de l’ADETEM, l’Association nationale du marketing écrit : “La recherche technologique pourrait se comparer à un avion, un gros porteur en partance pour un périple de plusieurs années - avec suffi­samment de carburant, mais sans idée pré­cise de sa destination finale... Aujourd’hui, impossible pour le pilote de notre gros por­teur de connaître par avance la qualité de la piste sur laquelle il va devoir se poser - ni même s’il existe la moindre piste à des­tination ! La tâche première des études de marché n’est plus aujourd’hui de se lancer en quête des besoins et attentes des consommateurs - ils n’en ont plus vrai­ment, pas de flagrants, ni de creuser leur imaginaire - où les innovations de rupture ne sauraient prendre place sans support concret. Leur tâche consiste au contraire à appréhender ce à quoi ressemble le territoi­re au-dessus duquel notre gros porteur va se présenter. Longtemps nous avons œuvré en terrain connu ; aujourd’hui, tout est sans cesse à redécouvrir. Aujourd’hui, la matière première du marketing et des études de marché, ce sont les études sociétales et prospectives.... Tout part des ten­dances sociétales - et tout doit y revenir. Mais c’est une sacrée révolution coperni­cienne... Une mesure longitudinale des valeurs sociétales apparaît incontournable ; mais comment construire un baromètre fiable en des périodes aussi troublées” (souligné par nous)1.

Ainsi, aujourd’hui, les entreprises sont en position de choisir quel marché créer, quel futur créer. Aujourd’hui, l’intérêt et la res­ponsabilité de l’entreprise sont de guider ses décisions non pas seulement en fonc­tion de la satisfaction du client, par construction de plus en plus instable, mais en regard d’un “baromètre fiable”, un axe stable et dynamisant qu’elle intègre : la volonté de contribuer à un futur souhaitable. Cette ambition comprend bien sûr celle du développement durable, qui est nécessaire et urgente. Mais choisir de contribuer à un futur souhaitable est plus positif, c’est aussi un objectif plus large qui permet des dynamiques croisées entre entreprises, c’est enfin un objectif qui peut également guider les entreprises et les personnes et est donc plus motivant.

Pascal Lamy, dans la préface, s’appuyant sur une enquête menée au niveau mondial, apporte de précieuses indications : “Le souhait d’un futur qui aille au-delà de la croissance pour la croissance, est fort. Sur tous les continents, une proportion impor­tante de la population souhaite donner plus de pouvoir à des personnes qui sont porteuses de sens. (...) Pour de multiples raisons qui se cumulent, il est aujourd’hui nécessaire, non seulement d’ouvrir et d’harmoniser les échanges pour favoriser la croissance, mais aussi de donner un conte­nu à cette croissance : que les contenus de ce qui est échangé, les biens et services, soient



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Figure n°1 : Philippe LUKACS (HEC70)


conçus, produits, distribués, non seulement en fonction d’une demande immédiate, mais aussi en regard d’un temps long, pour contribuer à un futur souhaitable.

Quelle démarche proposez-vous ?

À l’évidence, concevoir des innovations porteuses d’un futur souhaitable ne coule pas de source. De toutes façons, innover est toujours plus complexe que gérer. Et les actionnaires risquent de pousser à une focalisation sur le très court terme. Comment faire ? Je propose une démarche pragmatique : s’appuyer sur des réussites exemplaires. J’ai analysé la façon dont furent crées quatre innovations porteuses de futur souhaitable, qui ont aujourd’hui un rayonnement mondial, alors qu’a priori elles paraissaient irréalisables, pour tous hormis leur créateur. Comment Muhammad Yunus (prix Nobel et professeur honoris causa d’HEC), a crée la Grameen Bank, le micro-crédit, qui est maintenant un exemple au niveau mon­dial... alors que personne n’y croyait ; com­ment Nico Roozen a crée Max Havelaar, alors que les principaux acteurs de la chaî­ne du café ont tout fait pour faire échouer son projet ; comment Yvon Chouinard, sans formation, sans capital initial, a déve­loppé Patagonia qui vend des vêtements de sport dans le monde entier - en coton bio... dont le coût est trois fois plus cher ; comment Renault a réussi la Logan, qui est en rupture avec toute l’évolution de l’automobile. À chaque fois, je décris la façon dont le créateur s’y est pris avec sufisamment de “chair” pour que le lecteur perçoive concrè­tement son mode de fonctionnement.

Quelles leçons émergent de ces analyses ?

Les analyses de ces créations qui ont dû affronter de fortes contraintes permettent de repenser l’ensemble du management : la façon de concevoir les buts, les moyens, les critères de décision. En émerge un mode de management particulièrement dynamique, qui permet de commencer avec des moyens limités, d’avancer malgré les incertitudes, de dépasser les habitudes, d’élargir les marges de manœuvre exis­tantes : d’agir, dès maintenant !

1 François Laurent, La Grande Mutation des marques Hi-Tech, Paris, Village Mondial, 2005.


 

Stratégie pour un futur souhaitable Quatre créations exemplaires pour un management innovant

par Philippe Lukacs

Sommaire :

Pourquoi participer à la construction d'un futur sou­haitable ? Quatre créations exemplaires porteuses d'un futur souhaitable. La création de la Grameen Bank : une nouvelle forme de crédit. La création de Max Havelaar : une nouvelle forme de commerce. La création de Patagonia : une nouvelle forme de produit de consommation. La création de la Logan : un nou­veau type de voiture. Les leçons pour un management innovant. Une finalité dynamisante. De nouveaux moyens sur lesquels s'appuyer. De nouveaux critères de décision. Un premier pas, une démarche féconde.

Editions : Dunod

Collection Stratégies et Management - 248 pages - 2008 - Prix : 22 e ISBN : 9782100496426


 

 


Auteur

Philippe LUKACS (HEC70)

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