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septembre 2014

La vague des MOOC Que se passe-t-il dans l’enseignement ? Que faire aux Mines ?

D'où viennent les MOOC ?

En 2006, Salman Khan, un jeune Américain, fonde la Khan Academy. Google le soutien avec ̀a un financement de 2 M$. Des videos de cours sur de très nombreux sujets sont mises en lignes et consultables gratuitement.

En mars 2011, Sebastian Thrun, père de la Google Car et des Google Glass, rencontre Salman Khan ̀a une conférence TED. Cela lui donne l’idée de mettre en ligne son cours sur l’intelligence artificielle. En octobre 2011, 160 000 personnes de 190 pays se sont inscrits à ce cours. Thrun crée Udacity dans la foulée. Le MIT et Harvard créent edX en réponse, et Stanford crée Coursera. La vague des MOOC est née et com­mence à déferler sur le monde. La France n’est pas en reste, et l’enseignement supérieur a créé en 2013 la plateforme France Université Numérique (FUN) sur la base de la techno-logie edX.

En quoi consistent les MOOC ?

Les MOOC s’inscrivent dans l’évolution de la formation en autodidacte. L’acronyme signifie Massive Online Open Courses.

Massive : ces cours sont ouverts à de larges auditoires, per­mettant d’enseigner à des dizaines de milliers de personnes à la fois.

Online : le cours est suivi entièrement en ligne, bien que les participants organisent parfois des rencontres afin d’échanger et travailler ensemble.

Open : ils sont ouverts à tous, en général gratuits mais pas toujours, et même si la plupart nécessitent des prérequis éducatifs pour être compris, aucune barrière n’est mise à la participation.

Courses : ce sont des cours de quelques semaines à quelques mois, avec des supports écrits, audio, vidéo, graphiques ; des exercices en général corrigés par ses pairs ce qui permet les larges promotions. Un forum d’échange plus ou moins bien intégré au cours. Des moyens d’identification plus ou moins forts. Des tests et parfois des certificats de plus ou moins grande valeur en fonction de la réputation de l’émetteur, du cours, de la difficulté des examens et de la qualité du systè­me d’identification et de vérification anti-plagiat.

Les MOOC sont souvent regroupés sur des plateformes de LMS (Learning Management System), aux fonctionnalités dif­férentes qui encadrent alors la forme du cours (présence de quiz obligatoire, pourcentage minimum de supports vidéos, etc.)

En outre, les MOOC prennent la forme de cours hebdoma­daires (environ dix vidéos de cinq à dix minutes par semaine). Les supports cours sont disponibles uniquement aux per­sonnes inscrites mais il est possible de s’inscrire alors que le MOOC a commencé.

Et la France et les Mines dans tout ça ?

Nous avons pu constater que les mots de Gilbert Frade et de Jean-Yves Koch il y a 20 ou 30 ans étaient vrais et concrets : nous n’allons plus dans les institutions d’enseignement supé­rieur pour apprendre un savoir valable une fois pour toute, mais «pour apprendre à apprendre». Et pour ma part j’ai été gâté : d’abord ingénieur procédé nucléaire, j’ai dû me mettre ou me remettre à la chimie, à la mécanique, au contrôle com­mande, à la gestion de projets, au management, à la phy­sique, etc. Puis au conseil, où primaient l’organisation, la stra­tégie, l’économie, le politique, les système d’information, l’humain. Puis l’entrepreneuriat, avec le juridique, le fiscal, le social, le marketing, le commerce, la négociation, le networking, etc. Tellement de champs de savoir qui, chacun est un univers en soi. Pour tout cela, j’ai eu une immense chance d’avoir un enseignement extrêmement structuré et de très haut niveau dans le conseil, avec du fond de très haute qua­lité, une explicitation du «pourquoi j’apprends», du contexte, de l’émotion, des exemples et des exercices qui ancrent les propos dans la mémoire.

Or, dépositaire de nombreux savoirs très utiles et très appli­qués, l’École les réserve à ses ingénieurs civils ou corpsards, voire aux mastères. Mais si vous êtes un Alumnus, même Parisien, à part passer revoir vos profs préférés de manière informelle, il n’y a rien. Je ne parle pas des provinciaux ou des expatriés, et encore moins des non-mineurs.

L’expérience professionnelle vécue montre pourtant la forte nécessité d’acquérir du savoir tout au long de la vie.

Que faire ?

Il se trouve que mon camarade Christian Michaud travaillait sur le sujet de la formation tout au long de la vie depuis plu­sieurs années.

Christian était déjà en relation avec la Direction de l’École des Mines sur ce sujet. Quand l’École lui a proposé de mener une étude quant à l’intérêt de proposer des outils numériques pour rapprocher l’École et ses Alumni. Séduit par cette idée en tant qu’Alumnus et parce que le progrès par le numérique constitue le cœur des offres de mon métier de consultant, je suis monté à bord du projet avec un de mes associés, un Alumnus de l’ESSEC pour introduire de la diversité et un regard externe aux Mines.

Nous avons mené des entretiens avec plusieurs personnes de l’École, des professeurs, des responsables pédagogiques. Nous avons eu la chance de pouvoir nous entretenir avec des pionniers européens des MOOC : Pierre Dillenbourg de l’EPFL, Antoine Geissbuhler de l’Université de Genève, Philippe Silberzahn de l’EM Lyon. Et surtout, grâce aux Associations d’Alumni des trois Écoles des Mines : Paris, Saint-Étienne et Nancy, nous avons pu consulter l’ensemble de nos camarades.

Un questionnaire a ainsi pu être diffusé à 15 000 adresses mail, et nous avons eu 1 470 réponses. C’est à ce stade la plus vaste enquête réalisée sur ce sujet, et elle a eu plus de succès que la précédente consultation du réseau des Mines en 2005.

Ce qui en est ressorti a confirmé l’importance du sujet de la for­mation tout au long de la vie pour nos camarades et montré la nécessité d’agir en la matière : 36% des répondants ont consul­té leurs cours après leur sortie d’école. 22% ont éprouvé le besoin d’aller interroger leurs professeurs. 56% sont prêts à produire des contenus pour alimenter ce réseau de savoirs. 87% des répondants souhaitent la mise en place d’un «réseau social de la connaissance entre l’École et ses Alumni». Cette enquête a traduit à la fois un besoin de maintenir son savoir d’une façon simple, mais aussi le souhait de pouvoir échanger entre camarades, le tout sous le regard de l’École. Cela dépas­se le concept même de MOOC, qui reste très descendant.

 

Forts de ces enseignements, avec l’aide de l’École, nous avons lancé une expérimentation de transposition en ligne d’un cours de l’École. Faire des MOOC n’est pas en soi une nouveauté, mais co-concevoir et co-produire un contenu ensemble : École et Alumni, ne va pas de soi mais là est la demande.

Pour réussir, il fallait travailler sur un sujet qui soit embléma­tique de l’esprit de l’École.

Le cours d’évaluation des coûts créé par Claude Riveline a fait l’objet d’un consensus immédiat. C’est en effet un cours que plus de 40 promotions ont reçu et apprécié, qui vit toujours animé par Frédéric Kletz et plusieurs professeurs de petites classes. C’est surtout un cours à la charnière entre le dur et le mou, entre la gestion économique quantifiée, mathéma­tique et qui aimerait être déterministe, et l’humain, animé de motivations personnelles, tantôt rationnelles, politiques voire émotionnelles, et qui se plaît à faire parler les chiffres pour qu’ils chantent ses louanges. C’est enfin un cours recon­nu à travers le monde entier, et de Singapour à Paris, en pas­sant pas San Francisco, d’inconscients révolutionnaires savent et proclament que «the cost of a good does not exist».

Il n’est pas question de procéder à une transposition de for­mat, comme au début la CAO se contentait de mettre à l’écran ce qui se trouvait sur la planche à dessin, ou encore de filmer les professeurs en train de faire cours. Une transforma­tion numérique nécessite de repenser l’enseignement en fai­sant collaborer étroitement les enseignants, dépositaires du fonds et du parcours mental d’apprentissage, les ingénieurs pédagogues maîtrisant les outils numériques et audiovi­suels, et les Alumni qui seront à la fois nouveaux élèves et contributeurs.

D’autres cours doivent suivre, pour alimenter une biblio­thèque et permettre aux Alumni de pouvoir mettre à jour ses savoirs, ou les diffuser à ses équipes, ses clients, etc.

En la matière, les modèles sont à inventer. À l’EPFL et ailleurs, plusieurs modèles ont été tentés, notamment :

  • le MOOC pour faire connaître l’École,
  • les cours destinés aux Alumni ou à d’autres, pour leur for­mation continue, gratuits ou payants, avec de possibles extensions «présentielles»,
  • les cours à consulter avant les cours, en préparation d’amphis ou de petites classes d’échanges et d’approfondissements.

En conclusion ... Mineur tout au long de la vie ?

Ces cours en ligne sont appelés à enrichir les capacités d’enseignement et d’apprentissage, comme on peut déjà le constater sur les plateformes en place. Les Grandes Écoles sont à un tournant de leur histoire, les Alumni expriment le besoin de participer à une communauté de savoir qui dure au-delà de la réception du diplôme. Les technologies numé­riques qui rendent les contenus vivants partout, tout de suite et sur à peu près tous les supports ont un rôle majeur à jouer pour servir ce besoin : Mineur tout au long de la vie. ■

 

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