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mai 2011

Et si je faisais une vraie carrière d’ingénieur ? Deux patrons d’ETI1 livrent leur vision personnelle de l’ingénieur

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Pierre GATTAZ                       Antoine RAYMOND


Interviews recueillies par Frédéric IEGY (P70)

L’employabilité, c’est aussi la curiosité, la quête d’emplois en dehors des sentiers battus. Rechercher des entreprises en pleine croissance, trouver des «filons» riches en jobs intéressants, comprendre les pié­monts des grands groupes industriels. Mineurs, s’il vous reste une curiosité de géo­logue, utilisez la pour explorer les ETI indus­trielles !

Nos très vifs remerciements à :

  • Pierre Gattaz, Président du Directoire de RADIALL
  • Antoine Raymond, Président A RAYMOND GROUP

Un ingénieur issu de l’une des trois Écoles des Mines a-t-il sa place dans votre ETI ?

Pierre Gattaz : Oui, il y fera de l’industrie. Il faut rappeler une évidence : l’industrie c’est vital. 80% des exportations françaises, la réponse à tous les grands défis sociétaux (la santé, la maison du futur, la dépendance aidée, le dévelop­pement durable, etc.) beaucoup de solutions sont dans les «tuyaux» des industriels. La robustesse économique d’un pays, c’est l’iceberg : 10% émergés, dont tout le monde parle, c’est le service. 90% inconnus des commentateurs, c’est l’industrie sans laquelle rien n’est possible. Un emploi industriel, c’est au moins trois emplois de service associés. Alors l’ingénieur de votre question, je l’invite à venir exer­cer ses talents dans l’industrie, et mieux encore, dans une ETI industrielle. En France, depuis dix ans, l’industrie perd 70 000 emplois/an. Les ETI industrielles ont très peu contribué à cette désertification : elles ont gardé leurs effec­tifs. La France a besoin d’ETI fortes, combatives, etc. 4 000 ETI en France, contre 11 000 en Allemagne : alors si de vrais ingénieurs me lisent, qu’ils postulent en ETI.

Antoine Raymond : Je ne sais pas. Nous avons déjà eu quelques mineurs, mais nous ne parlons jamais des diplômes dans l’entreprise. Il y en a probablement encore, mais ce qui compte pour nous, c’est la qualité, l’expérience, nous sommes ouverts à toutes les formations. Nos ingé­nieurs sont tournés vers la mécanique, l’électronique, la mécatronique, le lean manufactoring et tout ce qui concer­ne les flux et la qualité. Avec 11 bureaux d’étude répartis sur 33 pays, nous sortons quatre produits nouveaux chaque jour : des systèmes de fixation très innovants pour desmilieux exigeants : l’aéronautique, l’automobile, le nucléaire. L’entreprise n’est absolument pas centralisée, mais elle coopère. Chaque sites a son patron, ses clients, ses commerciaux, sa production. La trentaine de patrons de site vient du commercial et a acquis du technique, ou vient de la technique et a progressé en commercial. Ils viennent rarement de la finance. L’Allemagne représente le double de la France, nos expatriés sont surtout Allemands, Tchèques, Anglais, Espagnols, rarement Français : c’est un constat. En fait l’entreprise est beaucoup «Act local», et les expatriés servent aux lancements, après nous trouvons des cadres locaux.

Le cursus scolaire actuel des Mineurs, la recherche de leurs labos, sont-ils adaptés à vos besoins en ETI ?


RADIALL (Connectique)

  • Création : 1952
  • CA : 180M€
  • Effectif : 2000 salariés dont 80 ingénieurs (France, USA, Mexique, Inde, Chine, Japon, etc.)


 A.RAYMOND GROUP (Assemblages Techniques)

  • Création : 1865
  • CA 630M€
  • Effectif : 4200 salariés dont 400 ingénieurs (Allemagne, France, USA, Chine, République Tchéque, Brésil, etc.)

 

A. R. : Je ne les connais absolument pas ! Tout à fait déso­lé, nous ne pouvons pas tout savoir. Nous avons un centre de recherche avancée à St Louis (Haut Rhin), car l’entreprise est très implantée dans le triangle Alsace-Bad Wurtemberg-Suisse. Nous coopérons beaucoup avec les Berufsakademie2, l’université de Bâle-Mulhouse pour les colles, et Minatec à Grenoble... Je serai heureux de recevoir leurs axes de recherche et je les aiguillerai vers mon patron de la recherche, qui est allemand.

 

P. G. : Très honnête­ment, les cursus des trois écoles me sont inconnus. Si leurs labos travaillent dans nos domaines, qu’ils nous contactent. Chez Radiall, nous embauchons sur­tout des ingénieurs en micro-mécanique. Quand on embauche un ingénieur de haut niveau, on recherche une «star» : nous avons quelques Telecom, un centralien, un mineur de Nancy. Nos clients, sont Boeing, Airbus, etc. ; notre devise est «Be the Best and work for the Best». Nos «stars» doivent convaincre ces très grands clients que nous sommes au top sur les matériaux, le process, la supply chain, etc., il nous faut des ingénieurs «trempés», à l’aise en anglais évidemment et parlant parfois une 3ème langue (chinois, allemand, etc.), qui vont les convaincre de notre excellence. 80% de notre chiffre se fait hors de France ; même en R&D, nos «stars» doivent avoir leur réseau dans les labos étrangers. Il nous faut des ingé­nieurs qui sont tombés dans l’industrie dès leur plus jeune âge, qui ont appris adolescents le respect des délais, la rela­tion client, la fierté de la production, les technologies. Je ne devrais pas le dire, mais voir des ingénieurs commencer par la banque ou le conseil, alors que les ETI industrielles offrent des parcours aussi enthousiasmants, c’est pour moi une aberration.

Pour faire partager votre enthousiasme, quel est le sujet qui fait rêver votre ETI à ce jour ?

P. G. : Radiall c’est la connectique rectangulaire pour l’aéronautique, le spatial, le médical. Aujourd’hui, chaque Boeing 787 c’est environ 400 000 US$ pour Radiall. Notre rêve c’est de fournir l’équivalent à COMAC le grand avion­neur chinois.

A. R. : Ce qui nous fait vibrer, c’est de créer une entreprise dont le moteur de développement est le véritable engage­ment humain. Créer de la valeur avec des personnes enga­gées, où chacun sent son propre développement en phase avec les valeurs et la pratique de l’entreprise. «Que chacun se réalise en réalisant», nous partageons cette devise, pour réaliser un triple win-win-win : celui de nos clients, de nos salariés, et de l’entreprise.

 

Un Mineur expérimenté, mais qui ne connaît pas les ETI, retiendra votre attention avec quoi et comment ?

A. R. : Expérimenté, signifie pour nous international, dans sa dimension «glocal : global-local». C’est avoir travaillé pleinement avec d’autres pays (Asie, Amérique du Sud, du Nord, etc.). Pas forcément d’y avoir été expatrié, mais y avoir acquis la capacité d’entraîner des équipes locales dans notre dynamique. Avoir réussi des collaborations non cen­tralisées, être quelqu’un qui sait réussir du «collectif» sans qu’on lui demande, avec son équipe et avec d’autres équipes parfois très éloignées. Expérimenté, c’est aussi être un «ser­vant leader», qui alterne entre trancher et apporter un réel support à ses collaborateurs. Pour nous offrir vos services : notre site web et sa rubrique «job susbscription».

P. G. : Si l’ingénieur est bon, il peut faire carrière très rapi­dement. L’accès à la DG est plus facile que dans un grand groupe. Faire une candidature spontanée par lettre au DRH et au Président. Dans les ETI on a accès au patron, et c’est lui qui traitera du risque d’embauche. Une autre voie, c’est de créer sa startup, et de nous contacter dans le cadre des pôles de compétitivité. Nous aimons travailler avec des vrais entrepreneurs industriels. ●

 

1ETI : Entreprise de Taille Intermédiaire - 250 à 5000 salariés - 50 M€ < C.A. < 1 500 M€ - www.asmep.fr

2Instituts de formation alternée allemands

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