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mai 2011

Entreprise et formation

Formation initiale ou permanente ?

En France, la formation initiale pèse très lourd dans la suite de la vie professionnelle. Le système «grande école» en est le symbole le plus abouti. Toutefois, la nécessité est vite apparue d’offrir une possibili­té de formation après la sortie du système scolai­re, surtout si celle-ci s’est opérée sans aller jusqu’au terme d’un cursus diplômant. La formation est donc progressivement devenue «continue» puis «permanente» avant d’aboutir au terme consacré par la loi du 14 octobre 2009 : «formation tout au long de la vie».

Responsabilité personnelle ou collective ?

La formation en entreprise est donc régie en France par une loi ; il eût été étonnant qu’il en soit autrement dans un pays où tout doit être régi par au moins une loi, voire plusieurs et pas toujours concordantes. Dans le cas qui nous occupe et plus généralement en matière de droit du travail, la loi reprend les termes d’un accord interprofessionnel négocié par les «partenaires sociaux», ce qui la rend réaliste et opé­rationnelle, à défaut d’être simple et efficace. La démarche de formation doit résulter d’une synergie entre employeur et employé au service du développement des compétences de ce dernier. Alors que dans le système anglo-saxon, la for­mation est une affaire personnelle, elle est en France placée sous le pilotage conjoint de l’individu et de l’entreprise.

 

De l’entreprise universitaire à l’université d’entreprise

Depuis longtemps les grandes sociétés rêvent d’influer sur les contenus des formations universitaires. Une SSII française leader en Europe a même un jour clamé haut et fort qu’il manquait en France chaque année des milliers d’ingénieurs informaticiens et que devant l’inertie et la lourdeur du sys­tème éducatif français, elle se proposait de les for­mer elle-même. C’était en 1992, à la veille de la première grande crise du secteur. Un an plus tard, la même société mettait en place son premier plan de licenciement collectif de plusieurs centaines d’ingénieurs. C’est dire combien il serait aléatoire voire dangereux de laisser le secteur économique s’ingérer trop fortement dans le secteur éducatif. Deux types d’interaction qui se développent aujourd’hui suffisent à assurer la nécessaire coor­dination entre ces deux mondes : d’un côté les entreprises s’invitent à l’université via les chaires professorales qu’elles financent et de l’autre les étudiants vont effectuer dans les entreprises des stages qui se transfor­ment souvent en embauche.

Parallèlement, dans ces dix dernières années, la plupart des grandes sociétés ont mis en place des universités d’entreprise. Cette structure interne vise des objectifs variés avec des moyens très divers, mais généralement il s’agit de fédérer les salariés autour d’une culture d’entreprise s’appuyant sur des savoir-faire (process) et des savoir-être (postures) com­muns. Une université d’entreprise est donc un outil au ser­vice à la fois de la politique RH et de la stratégie commer­ciale d’une entreprise.

Une récompense ou un pari sur l’avenir ?

La participation aux sessions de l’université d’entreprise peut être vécue comme une récompense, surtout que les conditions d’accueil sont en général soignées pour mettre les stagiaires en position de confort d’apprentissage. Les universités élitistes réservent leurs châteaux au «top mana­gement», alors que les plus démocratiques assurent le même accueil «luxueux» à tous. Le but pour l’entreprise est de montrer à ses salariés qu’elle prend soin du capital irrem­plaçable qu’ils représentent et qu’elle leur donne les moyens d’améliorer leur potentiel dans les meilleures conditions. De plus, ces sessions sont l’occasion pour les salariés de ren­contrer leurs pairs qui exercent la même activité dans d’autres services ou qui sont positionnés dans des niveaux managériaux comparables.

Formation pour développer ou pour adapter ?

La différence entre le secteur tertiaire et les deux autres sec­teurs, c’est que dans les sociétés de services les hommes non seulement génèrent la valeur ajoutée mais constituent éga­lement le capital. L’accumulation du capital bien démontrée par Marx ne se conçoit donc que par l’accroissement du potentiel humain de l’entreprise. L’équivalent de la mainte­nance des machines dans les secteurs primaires et secon­daires sera donc la formation des hommes. Avec la supério­rité des hommes sur les machines, à savoir que les plus anciens peuvent participer à la valorisation des plus jeunes à travers tutorat, monitorat, coaching et... formation.

De plus, ces cadres devenant formateurs internes accroissent leur propre valeur personnelle. Ainsi, les universités d’entreprise qui utilisent après les avoir formés les managers internes comme formateurs génèrent une double richesse interne.

Même si la loi citée en introduction introduit deux types de formation : action d’adaptation au poste de travail et action de développement des compétences, toute formation en entreprise se doit d’accroître le potentiel personnel du sta­giaire (et éventuellement du formateur) en même tant que son employabilité.

Mondialisation contre uniformisation ?

La tentation est grande pour les entreprises multinationales de mettre en place une mondialisation de tous leurs process RH. Rationalisation et standardisation sont les deux ingré­dients qui font miroiter une diminution des coûts. Mais il apparaît à l’usage que cette mondialisation-là est moins facile à mettre en place que, par exemple, celle de la fabrication des voitures. Tout ce qui concerne la gestion des individus, et particuliè­rement la formation n’est vraiment efficace – et donc rentable – que dans la langue de la per­sonne et dans le respect de sa culture. La mon­dialisation de la formation conçue dans ce contexte de diversité peut constituer une réelle ouverture alors que l’uniformisation aveugle conduit à la réduction et à la fermeture.

Empreinte pédagogique contre empreinte carbone ?

Dans ce contexte de mondialisation, la mode est à la «formation virtuelle». Sous cette traduction maladroite du «virtual learning», qui conduit à la fois à un contre-sens sémantique et une contre-référence pédago­gique, se cachent les modes de «formation à distance» uti­lisant les outils modernes de communication, depuis le «e-learning» individuel sur l’Internet jusqu’à la téléconférence de groupe. Cette dernière peut elle-même avoir un degré de convivialité et d’interactivité plus ou moins élevé depuis la «conf call» ou communication téléphonique à plusieurs jusqu’à la visioconférence avec partage en temps réel d’images vidéos et de documents électroniques.

Ce mode de réunion virtuelle représente une économie énor­me pour les entreprises soucieuses autant de leurs frais géné­raux que de leur empreinte carbone. Mais si l’on veut que l’«empreinte pédagogique» d’une formation soit bien réel­le, ce mode d’apprentissage est insuffisant et ne peut se substituer à la réunion de tous les stagiaires dans une salle avec l’animateur de la formation. Seule cette réunion assurera un véritable échange entre les stagiaires et un vrai rôle de péda­gogue au formateur.

La solution est donc nécessairement dans un mélange des deux modes combinant les avantages financiers et environ­nementaux du « distanciel » avec la qualité pédagogique du «présentiel». C’est ce que l’on appelle le «blended model» où l’acquisition des connaissances se fait en situation indi­viduelle et en mode électronique mais l’ancrage des compé­tences se réalise en échanges en groupe.

Paraphrasant Lénine qui avait dit que «le communisme, c’est le pouvoir des Soviets plus l’électrification du pays» parions que la formation dans l’entreprise du XXIème siècle réussira avec «le pouvoir de la pédagogie en groupe plus la numérisation des outils». ●

Auteur

Après mon diplôme ICM (St Etienne 1974) j'ai fait trois ans de recherche et d'enseignement à l'Ecole. Toute ma carrière professionnelle de 1978 à 2013 (date de ma retraite), s'est déroulée dans le monde informatique.
Après un court passage par les deux extrêmes du monde des employeurs (une grande administration française - la Caisse des Dépôts - puis un constructeur de mini-ordinateurs américain -Prime Computer) j'ai rejoint et n'ai plus quitté le monde des SSII où j'ai été successivement ingénieur de développement logiciel, consultant, directeur technique, responsable qualité et responsable de la formation et enfin responsable pédagogique à l'Université d'Entreprise Logica France (devenue CGI).
En parallèle, j'ai mené une "deuxième carrière", toujours active, dans l'animation théâtrale.

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