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septembre 2008

Comment piloter l’innovation dans un environnement incertain ?

Co-fondateur de MobiVote, solution de vote en temps réel par mobile, et d’ExploLab, société de conseil constituée par des entrepreneurs seniors

A été responsable de l’industrialisation des nouveaux produits chez L’Oréal, puis a rejoint CNP Assurances pour le lancement du CNP Lab, identifié par le cabinet Forrester Research comme un des dispositifs innovation les plus performants en France.

Enseigne le pilotage de projet innovant et la création d’entreprise en Mastère à la Sorbonne.


Les processus de votre entreprise sont industriali­sés, certifiés, sous contrôle. Tout devrait aller pour le mieux, non ? Malheureusement, les marchés changent, l’avenir est toujours plus incertain, et innover n’est pas une option mais une obligation.

Or l’innovation, avec le risque et l’incertitude qui y sont associés, rentre mal dans les grilles du contrôle de gestion, dans les indicateurs de succès des managers, dans les objectifs opérationnels et financiers à court terme. Et plus le contexte est tendu, concurrentiel, incertain, plus il est difficile à l’organisation d’accepter ces prises de risques... au risque de sortir du jeu faute d’avoir su s’adapter à temps.

Conséquence, les projets innovants, lorsqu’ils sont lancés, déclenchent souvent une approche peu rationnelle :

  • d’un côté, comme les sujets innovants sont générale­ment considérés comme stratégiques et disposent d’une forte visibilité, ils attirent bien des convoitises, ce qui fait que tout le monde veut “en être”, ce qui amène des erreurs de casting critiques ;
  • d’un autre côté, comme le sujet ne fait pas partie des savoir-faire de l’entreprise, on voit souvent s’accumuler aux erreurs de casting des erreurs de moyens : on pense sécuriser en mettant des moyens importants sur la table et en ayant massivement recours à des consultants extérieurs.

Dans cette configuration, tous les ingrédients sont réunis pour que le projet soit lourd à piloter et difficile à reconfigurer ou à débrancher en cas d’échec. De plus, la vision initiale aura une tendance naturelle à se diluer et perdre son objet.

Et pourtant, intraprendre* une innovation devrait être source de plaisir comme tout acte de création, et appor­ter un espace de réalisation et de liberté aux managers et aux collaborateurs.

Aborder un usage inconnu ou un modèle économique incertain avec le même cadre et la même posture que lorsqu’on fait une évolution incrémentale n’est pas effi­cace. Plus un sujet est innovant (et donc risqué), plus il faut être agile et avare de moyens dans l’exécution, de manière à optimiser la courbe d’expérience, rendre l’échec acceptable et permettre une industrialisation rapide

S’il n’existe pas de recette magique pour innover, il exis­te des bonnes pratiques avérées, qui sont autant de conditions nécessaires pour un pilotage efficace de l’innovation.

Ces pratiques relèvent de deux logiques complémen­taires : d’une part donner un cadre à l’innovation et d’autre part mobiliser les bonnes ressources.

Donner



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Figure n°1 : Jérôme SERRE (P88)


un cadre à l’innovation

On oppose souvent deux approches : une approche organisationnelle, avec une Direction de l’innovation, et une approche “business” selon laquelle l’innovation ne peut être menée que par les lignes métiers. En fait, la vraie question n’est pas là, chacun de ses schémas ayant ses limites.

Le plus important est de s’assurer que les projets inno­vants sont identifiés et traités en tant que tels : pilota­ge par les coûts, approche expérimentale, droit à l’échec, droit à tous les raccourcis en dehors des normes de l’entreprise.

Mobiliser les bonnes ressources

L’équipe projet

L’équipe projet doit notamment être réduite au strict minimum (“no more than can be fed with two pizzas” selon Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon), être sous la responsabilité d’un intrapreneur*, pouvoir interagir avec le spon­sor en moins de 24 heures et disposer d’un mandat large sur la réa­lisation.

Par ailleurs, l’entreprise doit pouvoir s’appuyer sur des expertises internes et externes, collectives et individuelles.

Intelligence collective

Un bonne pratique consiste à constituer et animer des commu­nautés de collaborateurs et de clients autour de la génération et du challenge d’idées et de projets afin de préparer le terrain, de s’ouvrir à des opportunités et de faire émerger les acteurs du change­ment et leaders d’opinion.

Et les consultants ?

Le changement est plus rapide et pérenne s’il est porté par des res­sources internes plutôt que par un bataillon de consultants. C’est pourquoi il est souvent plus efficace de faire appel à des consul­tants ayant un profil expert et/ou entrepreneur, de cabinets de taille petite à moyenne, pour qui la ressource rare est le temps, et qui n’auront donc de cesse de faire travailler efficacement vos équipes plutôt que de placer et former leurs juniors sur vos sujets innovants.

Quelques cas concrets

L’accélération des cycles de marchés et l’ouverture généralisée à la concurrence rend encore plus incertain l’avenir. Dans ces condi­tions, l’entreprise doit être non seulement innovante, mais aussi agile, réactive, audacieuse. Plus facile à écrire qu’à mettre en œuvre quand on est un groupe de plusieurs dizaines de milliers de personnes !

Nous donnerons trois exemples d’intervention, dans les domaines des cosmétiques, de l’ingénierie et des services financiers.

Cosmétiques



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Figure n°2 :


style="text-align: justify;">En termes de résultats, des changements simples et de bon sens, comme par exemple de mesurer le Time to Market et de commu­niquer de manière transparente sur l’avancement des projets peu­vent permettre d’atteindre des résultats spectaculaires.

Sur la base de ces actions, le délai de lancement des nouveaux produits a ainsi été diminué de 30% dans une division du n°1 des cosmétiques.

Ingénierie

Pour cette société cotée, l’enjeu était triple : apporter une approche et des solutions innovantes à ses clients, contribuer à la performance et créer un mythe à la Google Time de manière à motiver ses collaborateurs et à attirer les meilleurs profils. Pour atteindre cet objectif, cette entreprise déploie actuellement une stratégie en six axes, dont nous en citerons deux :

  • un système original de recueil collaboratif d’idées (“crowdsourcing”), basé sur une boite à idées collaborative, où les collabo­rateurs peuvent publier une idée, la commenter et la noter, les meilleures idées étant ensuite développées et commercialisées ;
  • un système de mise en réseau des experts de l’entreprise, qui sont des ressources rares à très forte valeur ajoutée, ouvert aux meilleurs clients. Ce système génère de nombreux contacts qua­lifiés, fidélise les clients et positionne l’entreprise en amont de la genèse des projets de ses clients.

Services financiers

En termes de stratégie d’innovation, nous finirons par les résultats du laboratoire d’expérimentation des nouveaux usages d’un des grands acteurs des services financiers en France : sur 30 projets lancés en 6 ans, 1/3 ont donné lieu à industrialisation, 1/3 ont été pérennisés et 1/3 ont été abandonnés. Le principal bénéfice pour l’entreprise ayant été de monter rapidement en expertise sur des domaines nouveaux tout en maitrisant totalement son exposition financière.

Il suffit de l’engagement de quelques personnes pour changer une entreprise. Plus le monde deviendra incertain, et plus les entre­prises auront besoin d’identifier et de s’appuyer sur leurs intrapreneurs pour innover et changer. ■

Notes :

* Intraprendre (dér. Intrapreneur) : néologisme, entreprendre un projet, un change­ment à l’intérieur de l’entreprise (quasiment) comme on le ferait à l’extérieur en mode entrepreneur, c’est-à-dire en privilégiant la rapidité sur la perfection, en étant avare de ressources et en prenant des risques...

 

Auteur

Jérôme SERRE (P88)

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