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Est-ce vraiment en les taisant que l’on supprime les discriminations?
Aux États-Unis, le mouvement « Black Lives Matter » (BLM - Les vies noires comptent) utilise un slogan assez consensuel, excepté pour les racistes assumés. Mais il est troublant qu’ils aient refusé le slogan « All lives matter » (Toutes les vies comptent) au motif qu’il relayait l’idée que les vies Noires1 ne sont pas plus importantes que les autres. Elles ne le sont pas moins mais pourquoi le seraient-elles plus ?
En réalité, les associations2 les plus extrêmes revendiquent même le temps de la vengeance, le temps venu d’une suprématie Noire et d’une repentance Blanche pour tous les crimes du passé, allant jusqu’au droit de tuer des policiers Blancs en représailles aux meurtres de Noirs. On est bien loin des intentions humanistes de première apparence.
Ce mouvement, dans son ensemble, revendique la lutte contre un racisme systémique envers les Noirs afro-américains et essentiellement eux. Les asiatiques, exploités sur les chantiers du rail américain au 19e siècle, sont jugés « assimilés blancs », car ils ne correspondent pas aux stéréotypes victimaires du chômage et de l’échec scolaire, bien qu’ils fassent l’objet de violences racistes croissantes.
Mais Il y a, aujourd’hui aux États-Unis, une égalité des droits ainsi que des lois de discrimination positive envers les minorités. Il n’y a pas de racisme systémique, inscrit dans les lois, comme il a pu exister aux États-Unis dans le passé ou en Afrique du Sud. La loi est la même pour toutes les couleurs de peau.
L’argument du racisme systémique sert à justifier la « Cancel Culture » (Culture de l’annulation), que ses partisans appellent le mouvement « Woke » (Éveil) pour sembler constructif. Il s’agit d’une volonté d’élimination des livres, films, œuvres, personnages, noms, mots et de tout ce qui est jugé offensant envers les Noirs afro-américains, comme étudier à l’école des livres parlant de l’esclavage. Mais, est-ce vraiment en les taisant que l’on supprime les discriminations ?
Un district scolaire d’Ontario (Canada, 2019) a mené un autodafé de 5000 livres arbitrairement jugés racistes, incluant des albums d’Astérix et de Lucky Luke.
San Francisco veut renommer 44 écoles sur 160 qui portent le nom de quelqu’un qui a pu faire du tort aux afro-américains (Franklin Roosevelt, Georges Washington, Abraham Lincoln…), sans considérer le contexte historique3.
Et ce mouvement se répand dans le monde : En 2019, l’Afrique du Sud a célébré la première partie d’échec jouée en donnant l’avantage aux noirs alors que dans les règles officielles les blancs jouent les premiers.
Plusieurs universités, dans le monde, ont mené des réunions interdites aux Blancs. La Western Washington University (Etat de Washington, USA), vient d’ouvrir un bâtiment de logements étudiants réservés aux Noirs.
Faudrait-il finalement retirer du vocabulaire toute référence au noir et au blanc ? Qu’en est-il de la musique où une blanche vaut deux noires ? Nous devrions supprimer les livres blancs et les listes noires.
Peut-on encore tirer avec un pistolet à blancs ? Et se défendre avec une arme blanche ? Ou entrer dans une colère noire ?
Interdisons aussi « le cri » de Munch car il pourrait offenser les sourds ou « la Vénus de Milo » car elle pourrait offenser les manchots.
Nous sommes les témoins abasourdis d’une volonté absolue d’élimination de tout ce que certains refusent de voir au lieu de l’affronter et de le comprendre. Mais le progrès nait de la confrontation des idées et de l’analyse des erreurs du passé. Où mène la déconstruction s’il n’y a aucun plan de reconstruction ? A quoi bon « s’éveiller » pour vivre dans un monde sans aspérités et sans émotions ?
Finalement, à vouloir réécrire l’histoire, ces extrémistes effacent la justification de leurs actions. Ils revendiquent leur revanche sur des événements qu’ils veulent taire au lieu d’éduquer pour qu’ils ne se reproduisent pas. Finalement, en oblitérant le passé, ils effacent le présent. Pour aller vers quel futur ?
« La tolérance atteindra un tel niveau que les personnes intelligentes seront interdites de toute réflexion afin de ne pas offenser les imbéciles. »4
(1) les termes Blancs et Noirs, avec une majuscule, sont employés pour désigner les personnes de couleur blanche ou africaines-américaines de couleur noire sans racisme ni jugement. Bien que certains demandent d’interdire la majuscule à Blanc en raison de leur culpabilité envers les Noirs (Article de The Atlantic en 2020)
(2) J’emploie ici le terme Association au sens large pour représenter tout type de mouvement qu’il s’agisse de groupes, d’associations, de partis, de syndicats…
(3) La transcription des débats a été rendue publique. Les noms y étaient condamnés sans analyse historique, sans débat, sans consensus. Cette publication a amené à la suspension temporairement de cette initiative.
(4) Abondamment relayée sur Internet récemment et attribuée à Dostoïevski sans source vérifiée.